Il y a des vols qui sortent de l'ordinaire et qui restent dans le cœur à jamais. Des vols qui semblent improbables, auxquels on ne croit pas jusqu'à la fin. La canicule de cette fin Juin 2015 fait monter les plafonds des nuages à des altitudes stratosphériques. Chaque parapentiste rêve alors en secret de survoler le Mt-Blanc ou la Barre des Écrins... Je dors à Chamonix le Jeudi 3 Juillet 2015, après avoir tenté de voler au-dessus du Mt-Blanc en parapente le jour même, au départ de Bourg-St-Maurice. Essai infructueux, nous ferons demi-tour au Col de la Seigne vers 3400m, contré par un flux de Sud-Ouest trop important pour rentrer. Après avoir repris les prévisions pour le lendemain vendredi, je décide de plier la journée: trop de vent annoncé en altitude.
En me levant le matin, pas mal d'étalements, très laiteux... Bon allez sans regrets. Nous allons manger vers 13h en centre ville de Chamonix... et là que voie-je?? Une dizaine d'ailes se faire "bouchonner" à 4000m au dessus du Brévent et qui filent direction Mt-Blanc... Aargggh!! je viens de rater le wagon!! Je ne prends pas de dessert et je retourne illico à ma voiture prendre ma voile. J'hésite une dernière fois avant de monter dans la benne, car un voile d'alto-cumulus passe, et il est déjà tard (14h30). Bon je suis à Chamonix avec mon aile, c'est quand même dommage de ne pas tenter sa chance!
13€ plus tard, je suis sur le déco et je retrouve des pilotes du GUC, avec qui nous avions volé la veille depuis Bourg-St-Maurice. Je me mets donc sur leur fréquence radio, et là qu'entends-je??? "Youhouhou!!! Waouhaouhou on est à 5000m!!! Yeeees!! Dééément!! Trooooop bon!!!!!!" etc, etc, etc, je vous passe les détails... Je suis bien content pour eux mais je me dis que je suis beaucoup trop tard pour les rejoindre. Je décolle quand même, histoire de me faire bouchonner à mon tour.
Je fais donc le "plaf" vers 3800m et je me dirige vers le Col du Tricot, où j'arrive vers 2300m et qui me permet de basculer sur la face sud de l'arête du Tricot. La face donne bien et je remonte assez facilement jusqu'à l'Aiguille de Bionnassay, où je fais le nuage, vers 4200m.
Ici, les premiers signes de l'altitude se font sentir: mal de tête, souffle court, je me concentre donc sur ma respiration pour rester lucide, et je bascule du côté Italien, vers l'Arête du Brouillard. Là, je retrouve deux ailes qui enroulent (ça fait du bien au moral) et on se retrouve ensemble pour monter en face sud du Mt-Blanc, au-dessus de cet énorme et austère Glacier de Miage. Des nuages descendent par moment sous le sommet, ce qui me fait dire que le sommet ne sera pas faisable. Mais à trois voiles, nous balisons bien le thermique, et on flotte jusqu'à 4400m, au-dessus des aiguilles et des énormes séracs. On profite de ces instants magiques, perdus au milieu de nulle part, devant les Dômes de Miage.
Puis, une des deux voiles se dirige vers le Dôme du Gouter. Je comprends par la suite que c'est une très bonne option, car avec ce flux de Sud Ouest, on se retrouve bien dans l'axe du vent. En prenant bien soin de rester côté Italien, on remonte doucement sur l'arête finale, tout en dynamique, avec les cordées d'alpinistes qui marchent en dessous du nous.
Dix minutes plus tard, ça y est, je suis au sommet!!!! Je n'en crois pas mes yeux, c'est tellement irréaliste! Les deux autres voiles s'en vont assez vite, et je passe 20mn tout seul, à jouer avec les nuages au dessus du sommet, entre 4900m et 5000m d'altitude. J'aurais fait le Mt-Blanc en short et en baskets, en 1h30 au départ de Plan-Praz (mieux que Kilian Jornet et Ueli Steck réunis :-)
Note importante:
J'avais initialement écrit ces lignes pour partager mon expérience de ce vol fabuleux. Néanmoins, les accidents de parapente et les incidents avec le PGHM durant ces quelques jours de canicule doivent nous sensibiliser sur le vol à Chamonix. En effet, tenter un vol au Mt-Blanc, malgré une facilité apparente est un vol engagé, comme on ferait la Barre des Écrins par exemple. Il s'adresse à des pilotes expérimentés qui ont une bonne connaissance du cross, des incidents de vols et du vol en montagne. On vole à 5000m, les effets de l'altitude se font donc sentir. On évolue en haute-montagne, les conditions aérologiques peuvent être fortes et évoluer très vite. Enfin, il y a une zone d'interdiction de survol en Juillet et Août que l'on doit absolument respecter si nous voulons que ce vol magique reste accessible dans les prochaines années.
Mise à jour du 23 juillet 2015 :
Le Mont-Blanc côté Italien est temporairement fermé au vol libre.
Voir le communiqué FFVL.
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